26 févr. 2007

Buveurs de braises

























Ô assoiffés
nous avons bu les braises!


je porte le deuil et la résistance
Mon visage est la métamorphose
de toutes les défaites de l’histoire
en revanches de l’aube
sur le crépuscule.

Afrique et Amérique Latine
en plein poumon sont piétinées
âmes flétries.

Ils nous ont volé les larmes,
Ils ne nous voleront pas la poésie.


En 1917 la France nous a châtrés
puis le Niger nous a jetés
dans un marécage de gale
le Mali nous a tannés de poux
la Libye nous a empâtés la langue
l’Algérie nous a mis le licou.

Ô touareg
Ou bien l’orgueil
d’une vie fière
une vie qui ne soumet
pas même la dignité de l’ennemi
la mort Ou alors l’effacement
jusqu’au résidu de notre semence
cette goutte de sueur
qui déjà se confond
avec le gravier
pavant la voie
de l’infini nomade.


Nous sommes le miroir du futur
Où est l’éclair
qui veut connaître
le visage du crépuscule
fondu dans son aube ?

Nous sommes la mémoire et le rêve
Nous sommes la branche et la racine
du temps
Et nous savons
faire oublier à l’homme
le chagrin de ses perles.

La terre et les cieux sont nuée
de larmes et de mugissements »

« Et nous savons
veiller sur le compagnon vent
quand il s’épuise et brise ses ailes
et apprendre à l’étoile
à rire quand elle s’aveugle.


Avec tout ce qui s’est effondré sur nous,
même s’il s’agit du ciel,
avec le fardeau,
nous marcherons
Et le front de la nuit
que nous avons blanchi
en veillant sur la pierre
de la résistance ?

Comme nos frères fils d’Israël
au temps de leur grand exil
je bois la conscience nocturne de l’encre
et m’enivre de la raison de l’alphabet.


Nous sommes les rivets de la mémoire
dans les tempes de l’aube
et les traits de feu
posés entre les racines
et les envolées de l’absolu.

Mon visage est grimé
de lames d’étincelles
Car nous sommes
cette pierre tombale
du temps et du vent.

d’une faim d’étoiles
que j’avalerai
dans la poussière de la marche,


Écartez-vous, écartez-vous
laissez-nous encore
la bride de l’épuise-vent
Pour l’homme des carrefours
et de l’embouchure des rêves
nul besoin d’un mensonge
crue de larme
bridée par la pitié.


Hommes rêvez
de tous les larges du désert
où nous sommes libres
un seul peuple fier
jalousant les étoiles.


Hé Touaregs
fruits exotiques pour les média
et les quincailleries touristiques
made in Paris-Dakar
singes toutes directions.


N’avons-nous pas vécu ?
Nous étions les palmes
des aurores et des routes
psalmodiant les voix
des tendons et des racines
en fouets enveloppant
la colombe des rêves
au fond des girons
de la flamme et de l’amour.


Et Toi,l’autre rive
Pégase aux ailes
de chardons et de braises.
Nous avons nourri les braises
Échardes
Nous avons remonté la douleur
jusqu’aux fibres du nerf
Et fiel aigre
nous délions les vertiges
et la panse des météorites.

HAWAD, « Buveurs de braises >>, Ed. MEET, 1995.

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