Vendredi 28 août 1992
Un jour macabre s’est levé
Sur la cité au minaret millénaire
La haine a déferlé
Comme un fleuve en crue
La haine nue
Sauvage
Tumultueuse
Une meute désemparée
Sans chefs ni subordonnés
S’est tournée vers la ville
La ville innocente et docile
Alors commença la danse barbare
Des proies faciles
Féroces
Les boucliers du peuple
Dévoraient le peuple
Qu’il est sinistre le festin des fauves
Maison par maison
La horde
Ecumait la ville
Mettait dans ses fourgons
Des civils innocents
Le deuil s’installait
La douleur incommensurable
Les miens traqués rasaient les murs
On arrête
On torture
Sans murmure
Au fond des maisons les miens
Tapis à l’ombre de la terreur
Seigneur pourquoi tant de haine ?
Quel démon Seigneur fait endosser aux miens
Tous les péchés de l’univers ?
Sur les routes
Dans les rues
Dans les taxis
Dans les gares
Et jusqu’au fond des cases sinistrement silencieuses
Ils arrêtent les miens
Tous les miens entassés
Dans la honte
Dans la sueur
Dans le sang
Dans les larmes
Des flots d’injures ensevelissent les miens
Les miens au creux des cellules sordides
Puantes
Puantes de mille pourritures
Une haine sauvage s’acharnait sur les miens
Sous des yeux indifférents
Exultant de joie
Applaudissant le carnage
Douloureusement indifférents
Si douloureusement indifférents
Seigneur ! Vous qui êtes toute puisance
De quel crime répondaient les miens ?
Le fils et le père enchaînés
A la même chaîne de la honte
Les frères rampant
Dans la sueur et le sang
Sous les caresses cruelles
Des lanières brûlantes
Les enfants pitoyables
Et si seuls dans les nuits d’épouvante
Sevrés d’un père qui ne répond
Plus à l’appel
Les femmes !
Oui les femmes
Seules debout
Dans la tourmente
Le remords à la bouche
Le poing dur
Roseau fragile mais tenace
Salut femmes glorieuses
Salut mère
Toi qui affrontas les heures amères
Et jugulas la haine par tes prières sincères
Salut sœur
Toi qui bravas le fer
Pour nous apporter un peu de lumière
Jusqu’au fond de nos sombres tanières
Salut femmes
Gardiennes inlassables
De rejetons orphelins
Amazones des instants pénibles
Salut femmes
Cœurs d’airain
Boucliers de fer
Canne où s’appuyait mon peuple
Quand il chancelait
Et titubait dans les dédales du mépris
28 août 1992 - 28 août 1994
Deux ans déjà
Que la folie a foulé la face de mes cités
Elle a passé comme un tourbillon
Dans les rues on voit encore
Quelques filles au rire sonore
Des enfants jouent à leurs ébats
Les pères retrouvent la paix des maisons
Sur les terrasses des oiseaux chantonnent
La clameur haineuse a fait place à l’issalam de la paix
La peur s’est dissipée
Le sang et les larmes ont séché
L’amour a eu raison de la haine qu’il maîtrise
Les blessures lentement cicatrisent
Mais dans mon cœur
Une fibre a lâché pour toujours
Avide d’horizons plus libres
Issa Rhossey - 1994
Source: Tamasheq.net Le site des musiques touarègues.
9 mars 2008
Blessures
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