(p.16)
Mano, me répétait ma mère, la mort est la plus près de la paupière que l’oeil et la plus grande richesse peut être une larme. Ton avenir sera celui que tu maîtriseras... On ne peut rien y faire et il faut accepter. Bientôt, tu seras un homme.
(p.40)
Il ne faut pas penser à ceux qui ont disparu. L’amour, c’est pendant la vie qu’il se donne. A la tombe, on ne peut apporter que des pierres et du gravier.
(p.46)
Le désert ne s’apprend pas, brave homme. Il se vit... Il se vit et il tue ceux qui ne le respectent pas.
(p.47)
Un donneur de leçons est quelqu’un qui veut refaire les choses. Les choses ne se refont jamais.
(p.48)
L’amour, le vrai, doir rester un mystère.
Mano, c’est dans l’éloignement que mon coeur tendra le plus vers toi.
(p.55)
Le Sahara exalte les mérites et aggrave les vices. Y voyagent seulement les chercheurs de lumière. Cette fleur avait trouvé ici son épanouissement et toi, tu l’as tuée. Repens-toi, mon fils, de l’avoir ramassée. Tu as volée un parfum au désert.
(p.57)
Les Touaregs ne doivent pas être dupes des mirages me dit alors mon père. Sur une terre où tout est à gagner, l’illusion n’a pas sa place. Seule compte la pensée lucide car elle exige l’oubli de soi et la prudence.
(p.62)
Mano, plus que des Européens, méfie-toi de leurs livres ! Si tu veux rester un homme libre, ne les ouvre jamais.
(p.67)
Nu il est entré dans ta vie et nu il en est sorti. C’est le plus grand cadeau qu’un jour, tu feras à Allah.
Ne t’accroche pas à ce qui a été, à ce qui sera peut-être. Ce genre de questions t’empêche de vivre l’instant présent et, par là-même, de voir dans cet insecte un message du ciel.
(p.73)
Les Touaregs n’aiment pas compter. Compter c’est épargner, tromper, valoriser, juger. C’est exalter les fausses valeurs.
(p.112)
Un touareg ne montre pas ses larmes. La plus terrible des souffrances, celle que l’on vit dans sa solitude pour l’honneur et par dignité...
(p.127)
Pour nous tenir éveillés, nous buvons des verres et des verres de thé. "Le premier amer comme la vie, le deuxième fort comme l’amour, le troisième suave comme la mort", dit le proverbe.
(p.161)
Tous les prétextes me sont bons pour me lier aux gens. Je connais le marchand de journaux de la rue de Rennes, la fleuriste au coin de la rue Pierre-Charron, le bougnat de la rue Saint-Louis-en-l’Ile, le clochard du quai de la Rapée. Ceux-là, oui acceptent d’échanger quelques mots à la hâte : "Fais pas chaud aujourd’hui", "Les temps sont durs, monsieur", "vous prendrez bien quelque chose ?". Ce ne sont pas de grandes conversations, mais au moins on existe entre nous. Les autres, ceux qu’on croise dans les gares, dans les squares, sur les grands boulevards ou sur les Champs-Elysées, se dérobent, fuient toute discussion. Ils n’ont jamais le temps. Ils n’ont que du mépris et de l’indifférence. Ils ne savent pas que le véritable bonheur est de rencontrer une autre vie et de la serrer dans ses bras. Leur désert me fait peur. Il faut dire qu’ils n’ont pas de repères. Les étoiles brillent si rarement dans le ciel de Paris. Ils sont sourds et aveugles.
(p.200)
Mais rien ni personne ne vient à bout de ceux qui défendent une cause juste.
(p.215)
Je pensais à nouveau qu’un homme ne peut s’épanouir dans une peau culturelle qui ne serait pas la sienne et qu’on chercherait à lui imposer. Que c’est de la différence que naissent la richesse et la force.
(p.232)
Le désert ne se raconte pas. Il se vit. A l’image de la terre qu’il habite, le Touareg a su se faire humble pour survivre mais aussi austère et fort pour se défendre.
(p.235)
Qu’est-ce qu’un homme peut désirer de plus lorsqu’il a le privilège de s’endormir chaque soir sous un ciel protecteur, un ciel semé de plusieurs millions d’étoiles qui se sont allumées pour illuminer ses rêves ? Le désert semble éternel à celui qui l’habite et il offre cette éternité à l’homme qui saura s’y attacher.
Extraits du livre de Mano Dayak " Je suis né avec du sable dans les yeux " (Ed. Fixot)
11 mars 2007
Je suis né avec du sable dans les yeux (Mano Dayak).
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